AU RISQUE DE LA VOLUPTÉ est un charmant petit volume dont je me suis régalée cet été. Y sont rassemblés des extraits de la Véritable vie privée du maréchal de Richelieu, paru anonymement en 1791, après sa mort. Cette seconde version de la biographie du célèbre libertin a été considérée comme authentique par ses descendants, contrairement aux Mémoires du maréchal de Richelieu publiés un an plus tôt. Narrée à la troisième personne, cette Véritable vie retrace aussi bien le parcours du libertin de la Régence que cette époque licencieuse et dépravée du XVIIIe siècle.
On voit combien le père [le régent] et la fille [la duchesse de Berry] poussaient loin la dépravation. Vingt anecdotes de ce genre pourraient prouver à quel point leurs mœurs étaient dissolues. On répugne à multiplier ces sortes de récits ; cependant ils feraient mieux connaître l’intérieur de la cour du régent que tout ce qu’on pourrait en dire. On nous permettra de rapporter une de ces anecdotes qui nous dispensera des autres, et terminera le tableau des débordements de ce prince. [p. 61]
Les anecdotes se succèdent, en grande majorité dans le récit, ainsi que des portraits moraux d’autres grands hommes et femmes de l’époque. L’ensemble se révèle très plaisant, sans jamais susciter de lassitude. Les aventures amoureuses sont en effet assez variées pour retenir l’attention et toujours piquantes dans leur déroulement. Leur narration est quant à elle plus sage, « gazée » et elliptique en ce qui concerne les détails graveleux. De même, la mention de relations homosexuelles est discrète et prend à peine la forme d’une mention allusive.
Il répara donc le temps perdu par de nouvelles conquêtes ; et la princesse de *** fut une des femmes qu’il parut alors le plus aimer. On a déjà dit que son amour n’était point exclusif. On le verra ne pas négliger la duchesse ***. Il citait l’époque où il n’avait que deux maîtresses à la fois comme un moment de sagesse ; car son étude continuelle était de chercher de nouvelles victimes. Quand une femme lui faisait une longue résistance, il ne s’amusait pas à perdre son temps auprès d’elle ; il lui donnait quelques heures par semaine et, pendant cet intervalle, il en trouvait de plus faciles qui lui fournissaient les moyens d’attendre patiemment le jour de son triomphe. [p. 35]
Outre quelques anecdotes amoureuses, permettant de dépeindre le caractère du maréchal de Richelieu – amant infidèle, volage, insatiable, rusé et charmant –, la sélection des extraits donne un aperçu des grands évènements de sa vie : depuis sa présentation à la cour de Louis XIV, où il fait des ravages dès ses quatorze ans auprès de la gent féminine par son impertinence, jusqu’à ses trois incarcérations successives à la Bastille, à la demande de sa famille, à la suite d’un duel ou d’un complot politique. Le portrait ainsi brossé apparaît plus nuancé, révélant les talents militaires oubliés sous l’image du séducteur, notamment.
Je sors de la lecture de cette sélection avec un goût à la fois de trop peu – et l’envie de lire l’ensemble de cette biographie – et d’une petite friandise délicieuse, idéalement piquante et brève.
Au risque de la volupté, extraits de la Véritable vie du maréchal de Richelieu choisis et présentés par Verena von der Heyden-Rynsch
Mercure de France (Paris), coll. Le petit mercure, 2004
1re publication (anonyme) : 1791
Mercure de France (Paris), coll. Le petit mercure, 2004
1re publication (anonyme) : 1791
Une petite friandise piquante : chez moi ce sont les romans anglais écrits par de "vieilles dames indignes" que je qualifie ainsi (ou des "bonbons acides"). Ca ne veut sûrement pas dire la même chose pour le maréchal de Richelieu, mais j'aime cette expression.
RépondreSupprimerAh tiens, je ne pensais pas à l'idée des bonbons acides ; j'apprécie moi aussi l'idée de la "friandise piquante". J'y associe dans ce cas-ci l'idée de légèreté, d'un petit plaisir sans conséquence, teinté d'ironie, de cette touche piquante que j'aime tant.
Supprimer(J'adore ton expression de "vieilles dames indignes" ;))
Le parcours de Richelieu m'intéresse tout autant que l'époque donc je note également ce titre-ci. En même temps, tu le présentes si bien, alors, comment résister ?
RépondreSupprimerInutile de résister, quand le risque n'est que la volupté. ;) Connaissant ton attrait pour l'époque, je pense que tu apprécieras autant que moi (et la collection même semble tout à fait délicieuse : Le mercure galant, beau programme, non ?)
SupprimerLa collection m'attire tout particulièrement. Il faudrait que je passe par là... ;-)
SupprimerTu me rappelles par la même occasion qu'il faudrait vraiment que je m'y penche...
SupprimerAttention, il ne s'agit pas ici de l'homme que l'on nomme Richelieu dans l'histoire, à savoir le grand cardinal, mais il s'agit ici d'un de ses descendants assez éloignés, la maréchal de Richelieu, connu essentiellement dans l'histoire pour son comportement libertin.
Supprimer