Nouveaux contes de fées | Marquis de Senneterre

Madame,
Est-ce une réalité dont je vais vous faire part, ou n’est-ce qu’un songe ? Faites-moi la grâce de ne point me le demander, il me serait difficile de vous satisfaire. Contentez-vous, je vous en supplie, de m’entendre. Si je suis assez malheureux pour vous causer quelque ennui, ce ne sera pas, du moins, par la longueur du récit.
[p. 410]
CONTRAIREMENT À de nombreux conteurs licencieux, dont Crébillon fils ou Diderot, le marquis de Senneterre privilégie dans ces petits contes de fées la concision : nulle digression ou récit enchâssé ne vient ralentir le rythme rapide de la narration, ni retarder le déroulement des évènements. Telles des épigrammes, ses textes vont droit au but et savent se montrer piquants à l’encontre de la tradition littéraire dont ils s’inspirent (les contes de fées de la fin du 17e siècle et du début du 18e). Les fées se montrent capricieuses, séductrices et jalouses ou servent de leurs pouvoirs les désirs des souverain(e)s. Nulle morale ne les anime et ne vient rendre « utile » la lecture de ces contes ; une réjouissante immoralité y règne parmi la société des fées et autres génies.

Une autre inspiration du marquis de Senneterre semble être les Métamorphoses d’Ovide. Chaque conte en présente au moins une, en illustrant une expression (« sucer l’ananas », dans L’ananas par exemple) ou un comportement (celui de l’imitation de l’art – et par extension, l’attitude du lecteur « d’une main » si l’on pousse l'analogie jusque là – dans Les statues animées). En animaux (épagneul), végétaux (jonc, gazon) ou objets (courtepointe), les fées ne reculent devant aucune punition ou stratagème pour parvenir à leurs fins, qu’il s’agisse d’une vengeance ou d’une séduction, pour le plus grand amusement du lecteur face à ces transformations érotiques.

Des contes licencieux brefs et divertissants.

NOTE | L’heure du conte s’achève pour Marilyne et moi sur une lecture immorale, en compagnie du diable d’Isaac Bashevis Singer.


Contes immoraux du XVIIIe siècle

Nouveaux contes de fées du marquis de Senneterre

Contes immoraux du XVIIIe siècle, Nicolas Veysman (éd.), Robert Laffont (Paris), coll. Bouquins, 2010, p. 408-432

1re publication : 1745

5 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas ce volume, merci pour la découverte Mina et très belle année 2015

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aurais cru que tu le connaitrais. Il rassemble des contes en vers, des contes de fées licencieux, puis d'autres contes et recueils. Je le commence à peine, des années après qu'on me l'a offert.
      Très belle année à toi également, Bianca.

      Supprimer
  2. Une finale en apothéose ;-)

    RépondreSupprimer
  3. Tu m'intrigues par ta critique. Adorant le XVIIIème siècle, je note les deux titres et j'espère trouver ce livre facilement

    RépondreSupprimer

NOTE : tous les commentaires sont les bienvenus et modérés avant publication. Il est plus sympathique de savoir à qui l'on écrit, plutôt qu'à un "anonyme" ; je vous invite donc à utiliser la fonction "Nom/URL" pour indiquer votre nom ou pseudonyme si vous n'avez pas de compte pour vous identifier (la case de l'URL est facultative).