Bateau-ciseaux | Christine Van Acker & Vero Vandegh

Voilà, mon petit bonhomme, dans mon histoire il y a des choses que je ne te dirai pas tout de suite.
Je ne sais pas non plus si on peut y trouver des gentils et des méchants comme tu les aimes.
C’est juste un petit bout de moi et de la vie de mes proches que je mets dans ton assiette.
Tu es libre d’en manger ou pas.
[p. 90]
UNE ENFANCE sur une péniche, l’apprentissage des mots et des comptes avec son père ; puis la séparation sur le quai : le pensionnat, l’accueil dans la famille laissée/restée à terre, au bord du canal, la promiscuité avec les grands-parents et les cousins, les nouveaux jeux, et la vie familiale ; l’évasion par les livres, avant de vouloir les rejoindre tout à fait ; la rupture d’un héritage familial et le choix du théâtre. Ce sont, entre autres, ces bribes que raconte Christine Van Acker dans son récit à son fils. Comme les souvenirs, la narration se fait entrecoupée, avec de fréquents retours à la ligne, parfois des « listes » de mots, comme autant de synonymes de sentiments confus.
Parloir, encensoir, dortoir, pleuroir…
Et, dans ce pensionnat, un grenier vide que je vais remplir de moi, à en craquer. [p. 42]

Sans manquer de singularité, ce récit a fait écho en moi avec d’autres lectures, tant par les mots employés que par l’ambiance qui s’en dégage. Celle-ci m’a paru assez proche de celle d’Une famille de Michelle Fourez, par exemple : la Belgique d’il y a quelques années, une vie simple, rude par moments, mais heureuse avec simplicité, un regard sans complaisance et serein, à même d’affronter un passé parfois douloureux. J’ai également pensé aux contes de Myriam Mallié et à ses expressions, en lisant un passage tel que celui-ci :
Pendant longtemps, maman reste la « douloureuse », celle qui ne me réveille pas quand j’ai échoué à repousser les limites d’un sommeil qui finit toujours par l’engloutir jusqu’au matin. [p. 29]
Les symboles du conte parsèment en effet le récit d’enfance de Christine Van Acker : l’« amour mangé » des mères, le sentiment d’abandon par la « douloureuse », l’émancipation et la quête de soi, ici à travers les livres. Le ton reste néanmoins au réalisme, il n’y pas véritablement de gentils et de méchants, plutôt des êtres humains, contrastés et eux-mêmes habités par une enfance en héritage.

Illustration de Vero Vandegh
Vero Vandegh, p. 91

Les gravures de Vero Vandegh transmettent fort bien ces sentiments mêlés, ces images parfois floues, dans les teintes de gris et de noir. Les figures féminines, seules ou en groupe, sont présentées en alternance avec des courbes, des représentations du corps plus abstraites, ou des silhouettes.

Un récit sobre et juste.

Bateau-ciseaux - Van Acker et Vandegh

Bateau-ciseaux de Christine Van Acker (récit) et Vero Vandegh (gravures)

Esperluète (Noville), coll. Livres, 2007 – 1re publication

* A la découverte d’Esperluète *
* Projet non fiction *

2 commentaires:

  1. Tu as vu juste, tu me tentes beaucoup avec ce titre. Il se dégage une grande douceur de ton avis.

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    1. Ah je savais que tu serais tentée, je te le mets de côté. :) J'y ai retrouvé la même douceur que dans Une famille : sans mièvrerie.

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