Le petit chaperon rouge | Myriam Mallié

Tout le monde connaît le Petit Chaperon Rouge, et son histoire.
Ce que l’on connaît, en réalité, c’est la version de Charles Perrault, celle qui se termine en substance par :
« Gardez vos filles chez vous, surtout si elles sont jeunes et jolies. Le monde est plein de loups. »
[p. 5]
FACE À LA « SENTENCE aussi froidement sécuritaire » [p. 5] de l’histoire de Perrault, Myriam Mallié entreprend d’en raconter une autre version, plus conforme à sa vision du conte. Ainsi qu’elle l’a écrit dans Conter et le répète dans sa préface, le conte doit confronter au danger et aux images violentes, afin d’apprendre à vivre ; ce n’est pas une lecture ou une écriture facile, elle demande du temps et de savoir décrypter les images. En conteuse, Myriam Mallié y aide cette fois son lecteur.

Tout en déployant les scènes emblématiques – dont celle du lit, représentée dans les dessins qui émaillent le récit, ou de la rencontre du rouge du chaperon et du noir du loup, qui colorent ce petit livre –, elle les commente ou pose des questions destinées à susciter la réflexion. Pourquoi, par exemple, envoyer sa fille dans les bois avec un vêtement si voyant, sachant que le loup y rôde ? Peut-être parce que, contrairement aux apparences et selon des coutumes oubliées, le rouge est un signe de protection, « de quoi clouer [le loup] sur place, mais de le faire disparaître, surtout pas » [p. 27], car « comment les filles pourraient-elles apprendre à vivre selon ce qu’elles savent de leurs propres forces, si "on" élimine autour d’elles toute occasion de désir et de peur ? » [p. 5]

Ainsi que peut le laisser deviner la liste des personnages, le conte du Petit Chaperon Rouge, et en particulier cette version de Myriam Mallié, est donc une histoire féminine : celle d’une petite fille amenée à rencontrer le loup et à rejoindre le chœur des femmes, celle d’une lignée de mères et de filles, de « dévorantes », avec tous les liens qui peuvent les (dés)unir et tous les symboles qui y sont attachés.

En réalité, il y a une lignée de dévorantes de tous âges, filles, mères ou grands-mères, toujours affamées, jamais satisfaites, en manque, en manque, réclamant sans relâche plus de présence, plus d’attention, plus de place, plus de tout. [p. 41]

Une réécriture contée, féminine et fascinante.

NOTE | L’heure du conte : après les classiques, Marilyne et moi nous intéressons aux réécritures des contes et à la Compagnie des loups. A cette occasion, Martine a également lu Le petit chaperon rouge de Myriam Mallié.

Le petit chaperon rouge - Myriam Mallié

Le petit chaperon rouge de Myriam Mallié (conte et dessins)

Esperluète (Noville), 2009 – 1re publication

* A la découverte d’Esperluète *

9 commentaires:

  1. Voilà une lecture du Petit chaperon rouge qui semble bien intéressante !
    On retrouve cette évolution des interprétations au fil des siècles à travers les illustrations des livres pour enfants. Progressivement, on se rend compte que le loup et l'enfant n'ont plus exactement la même place qu'à l'époque de Perrault !

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    1. Une lecture très intéressante ! Je redécouvre vraiment les contes à l'occasion de cette thématique et les interprétations qu'on peut y laisser transparaître. J'en avais vaguement entendu parler pour les illustrations au 19e siècle, mais sans approfondir la question, tu fais bien de le souligner.

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  2. Encore une jolie perle d'Esperluète, de Myriam Mallié et de conte, dirait-on ! Et merci à Lili pour son éclairage.

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    1. Exactement ! Malgré tout, dans ce trio magique, La petite sirène garde ma préférence par rapport à ce petit chaperon rouge (et je me réjouis d'en avoir encore à découvrir !)

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  3. Les dévorantes, les désirantes, une histoire de femmes, oui, ne serait-ce que parce que les personnages n'y sont que féminins ( trois générations ) mis à part le loup.. De nombreuses interprétations suivent la première ( celle prévenant de la pédophilie notamment, " il existe aussi des loups des villes " ), celle(s) que présente(nt) Anne-Marie Garat est intéressante, pourrait t'intéresser ( je ne sais pas si tu te souviens, j'avais présenté ce livre pour le projet non-fiction " une faim de loup " ), elle a le mérite de rappeler la dimension orale du conte, son rôle de transmission avant de suivre au plus près le texte de Perrault. Quant à la version de Myriam Mallié, tu t'en doutes, évidemment, j'en suis plus que curieuse ( encore plus avec ce que tu en dis, récit + commentaires ajoutés au talent de la conteuse )

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    1. Je ne me souvenais plus de ce titre d'Anne-Marie Garat, j'ai été revoir ton avis, il y a de grandes chances que cela m'intéresse, je l'ai re-noté. Je ne peux que t'encourager à lire ce titre de Myriam Mallié, je suis certaine qu'il te plaira, notamment pour ces commentaires, cette façon de raconter en mettant en avant l'esprit du conte.

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  4. Nous sommes d'accord sur le fond ! Chic ! J'ai préféré ce texte à celui de La Petite Sirène. Et toi ? Si tu aimes la BD, j'avais présenté celle-ci en octobre 2013 : La Petite Fille en Rouge, Aaron Frish & Roberto Innocenti. Voici le lien : http://litterauteurs.canalblog.com/archives/2013/10/10/28120641.html

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    1. Nous sommes d'accord sur le fond, mais pas sur la préférence : j'ai préféré La petite sirène à ce texte-ci, j'en ai le souvenir d'un conte moins explicité, qui laissait davantage de place à l'interprétation du lecteur. Ces commentaires sur Le petit chaperon rouge m'ont beaucoup intéressée, mais je n'y reviendrais pas dans l'immédiat, alors que j'ai relu La petite sirène dès la dernière page tournée. Et toi, qu'as-tu préféré dans ce texte-ci alors ?
      Merci pour le lien, j'ai été te lire, mais ne suis pas très BD (ni lectrice graphique, pour reprendre l'expression que tu avais utilisée dans les commentaires).

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  5. Flûte ! Mon dernier commentaire est signé "Tinusia" (c'était mon ancien pseudo)

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