CRÉÉ en opposition au roman précieux, dont il conserve
néanmoins quelques caractéristiques, le conte de fées a égayé les dernières
années du dix-septième siècle et les premières du siècle suivant. Dans le
climat morose de la fin du règne de Louis XIV, il constituait en effet une
distraction innocente et fantasque, notamment pour les femmes qui ont été les
premières à en écrire. Relire ces textes de nos jours, c’est retourner en
enfance autant qu’accomplir un voyage dans le passé, aux côtés de ces conteuses
dans les salons littéraires. Toute l’atmosphère de cette époque s’y trouve sous
le couvert des éléments merveilleux : la Cour et son jeu d’apparences,
l’importance de la classe sociale lors des choix maritaux, les fortunes qui se
(dé)font en entraînant séjours dans la capitale ou à la campagne, entre autres.
À première vue, le conte de Madame d’Aulnoy est très gentillet et
édulcoré par rapport à son équivalent populaire (évoqué dans la préface de
Martine Reid) : le prince ne tue personne, pas même le dragon ; la crainte
de l’inceste est écartée presque aussitôt après avoir été envisagée par les
deux amants ; les héros rencontrent finalement assez peu de méchants et de
personnes mal intentionnées. L’optimisme est de mise, les épreuves toujours surmontées,
et la vertu valorisée à de nombreuses reprises, plutôt que le vice puni,
excepté à la fin du récit. La cruauté n’est pas tout à fait absente pour autant
et se manifeste en particulier à la Cour : les jalousies s’y développent,
de même que les projets meurtriers et les humiliations. Ces épisodes comportent
moins d’éléments merveilleux et évoquent des scènes historiques bien réelles,
telles que les répudiations. La corruption aristocratique est encore accentuée
par le contraste entre ce milieu et celui des corsaires qui recueilleront les
quatre héros, sans avarice ni malveillance.
De même, le rôle des femmes n’est pas aussi simple qu’il n’y
paraît lors d’une première lecture. La princesse semble assez passive pendant
la majeure partie du conte, envoyant son amant vers diverses aventures et
l’attendant. Elle sort néanmoins de cette réserve quand cela s’avère nécessaire,
prenant les armes à son tour, et amène le lecteur à réviser son jugement sur
les personnages féminins. Ceux-ci sont très présents et actifs dans le récit, qu’il
s’agisse de la princesse, de la bonne fée sous diverses apparences, ou des
« méchantes ». Parmi toutes ces femmes fortes, les hommes semblent
bien faibles et influençables, à l’exception du prince Chéri guidé par
l’amour : aux hommes les titres, aux femmes le véritable pouvoir ?
Un conte plutôt mignon et intéressant à décoder.
La princesse Belle Étoile et le prince Chéri de Madame
d’Aulnoy, extrait de la Suite du
gentilhomme bourgeois, édité par Martine Reid
Gallimard (Paris), coll. Femmes de lettres, 2008.
1re publication : 1698
* Il était une fois... les contes de fées *
Je trouve les contes intéressants à décoder... Il y a toujours une deuxième lecture à en faire, qui n'a souvent rien d'un conte de fées justement ^^
RépondreSupprimerSi mes souvenirs sont exacts, c'est bien cette auteure qui a écrit La belle et la bête ?
J'adore décoder les contes aussi et les classiques en général. Pour La Belle et la Bête, c'est Mme de Villeneuve, puis Mme de Beaumont, c'est prévu dans quelques jours. ;)
SupprimerAh ben non, j'ai déliré, c'est pas elle du tout :D
RépondreSupprimerJ'adore les contes... et j'adore ton billet ^^
RépondreSupprimerTant mieux ^^ Tu seras servie en contes cette semaine.
SupprimerJe ne me souviens trop de l'histoire, pourtant je sais l'avoir acheté et lu tout de suite à sa parution ... Une bonne excuse pour relire quelques contes ;)
RépondreSupprimerMerci pour tes charmants articles !!!
Merci pour tes commentaires. ;) Je ne me souvenais pas du tout de l'histoire en le relisant, c'était une belle redécouverte.
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