Une vie pour rien | Marc Pirlet

APRÈS Les Promeneurs, Marc Pirlet met à nouveau en scène la rencontre entre des êtres esseulés et isolés de la société contemporaine : un homme séparé de sa compagne, des SDF et une vieille dame veuve sans enfant. Le livre ne devait d’abord être consacré qu’à ce dernier personnage, mais comment percevoir ce qu’elle a apporté au premier sans connaître l’histoire de celui-ci également ? Cette question est posée très explicitement dans le roman, où le narrateur tient le rôle de l’écrivain ; le procédé permet un métadiscours et une mise en perspective du récit tout à fait intéressante. La frontière entre la réalité et la fiction est interrogée, par l’entremêlement d’éléments autobiographiques et inventés, ainsi que par la réflexion sur ce qu’on sait des autres, y compris de nos proches : ne les crée-t-on pas partiellement, en comblant leurs silences et en liant nos souvenirs d’eux ? C’est également grâce à ces métadiscours que Marc Pirlet peut citer l’esthétique qui l’a influencé lors de l’écriture de son roman, l’Arte povera, une forme d’art qui choisit délibérément des matériaux dits « pauvres » et cultive une certaine ascèse. Celle-ci se traduit dans le style de l’auteur, assez simple et dépourvu de fioritures, qui n’annihile pas l’émotion pour autant. Tout en touchant le lecteur, Marc Pirlet garde une certaine mesure et évite de cultiver le pathos à outrance. Seul l’essentiel demeure dans cette « vie pour rien », qui pourrait être celle d’une voisine ou d’une vieille dame souvent croisée sans la voir vraiment.
Je pourrais résumer tout ce que Mathilde m’a apporté en disant qu’elle m’a fait découvrir l’instant présent. [p. 117]

Un roman touchant, qui met en lumière quelques oubliés de la société.

NOTE | Autour de Marc Pirlet : Anne a choisi de vous présenter aujourd’hui Les promeneurs.

Une vie pour rien - Marc Pirlet

Une vie pour rien de Marc Pirlet

Murmure des soirs (Esneux), 2013 – 1re publication

* Le mois belge d’Anne et Mina *

6 commentaires:

  1. Le métadiscours que tu soulignes m'interpelle et m'intéresse !

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    1. Je me doutais que ça parlerait à une littéraire comme toi. ;) Je l'ai trouvé très intéressant et à même de susciter la réflexion.

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  2. Je vais seulement rédiger mon billet, patience, patience, mais je viens d'avoir une illumination pour le rédiger, parce que e j'est pas évident d'en parler, je trouve !

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    1. Je t'attends. ;) Et oui, il n'est pas facile de parler des romans de Marc Pirlet ! Ils sont faussement simples.

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  3. Dis, je vais passer définitivement pour une inculte totale, mais.. c'est quoi un métadiscours ? Je suis peut-être fatiguée, mais le contexte ne m'aide pas à comprendre...

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    1. Plutôt que te faire passer pour une inculte, ça met peut-être surtout en évidence que je n'ai pas été claire (et me suis laissé emporter*...) Le métadiscours est un discours sur le discours, un commentaire de texte à l'intérieur même du texte en quelque sorte. Le choix d'un narrateur-écrivain facilitait l'insertion de telles remarques sur l'histoire aussi bien que sur la façon dont elle est écrite. C'est plus clair ?

      * J'ai eu tout un cours sur la "metaconoscenza", qui est revenue par la suite dans plusieurs travaux avec le même professeur, ça m'a marquée plus que je ne le pensais apparemment.

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