Sans y toucher | Colette Nys-Mazure

LES NOUVELLES de Colette Nys-Mazure se déploient tout en douceur, souvent dans une atmosphère d'enfance, une période qui semble chère à l'auteure (si j'en crois son recueil de poèmes Enfance portative publié chez Luce Wilquin et d'autres livres pour la jeunesse indiqués dans sa bibliographie). Cela donne à ces textes une teinte de nostalgie et d'insouciance joyeuse, à l'image du Robinson du mont ou des enfants  dont on sait que Tôt ou tard se déchire[ra] le voile de [leur] enfance. En attendant ce moment, ils observent le monde des adultes sans toujours le comprendre, souvent rabroués dans leurs demandes d’explication, et en l’interprétant à leur façon, entre Démons et merveilles. Les adultes, lorsqu’ils ne sont pas trop « occupés », observent avec envie ce manège de l’enfance et repensent à la leur, en se replongeant dans leurs souvenirs [de] maisons et [d’]hommes. Malgré la mélancolie qui se dégage de certaines nouvelles, en raison de leur sujet (une rupture, la mort d’un proche, la maladie d’un enfant, notamment), la sensation qui demeure est une grande douceur, telle un baume sur le cœur. Le regard de Colette Nys-Mazure, à travers celui de ses personnages, est toujours bienveillant, avec une lueur d’espoir dans la tristesse.

L’auteure sait également se montrer facétieuse et jouer de ses classiques, notamment dans l’une de mes nouvelles préférées, Tombeau : trois histoires d’amour – celle de la princesse de Clèves, de la Lorelei, et de Marcel dans sa recherche du temps perdu – sont réécrites, ou plutôt servent de référence plus ou moins irrévérencieuse à un récit contemporain. Le lecteur n’échappe pas non plus à la malice de l’auteure dans les Fragments d’une passion, qui mettent en scène trois étapes d’une vie de lecteur, depuis la découverte jusqu’à l’abus, en passant par un très bel échange. Tout en jouant de l’émotion, Colette Nys-Mazure ne tombe jamais dans l’excès, gardant un ton léger.

De douces nouvelles, envoûtantes sans aller jusqu’au sirupeux.

Sans y toucher - Colette Nys-Mazure

Sans y toucher de Colette Nys-Mazure

Labor (Bruxelles), coll. Espace Nord, 2005

1re publication (La Renaissance du Livre) : 2004

* Le mois belge d’Anne et Mina *

17 commentaires:

  1. Même si certains thèmes ne sont pas ma tasse de thé, et les plus sombres tu t'en doutes, tu me donnes néanmoins envie de lire cette auteure!

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    1. Je pense que cette auteure pourrait beaucoup te plaire, elle ne s'appesantit pas sur les thèmes plus sombres, cela reste très doux.

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  2. Je retrouve dans ton billet l'impression que j'avais d'un bouquin de Colette Nys-Mazure que j'avais lu (dont je ne me souviens malheureusement plus du titre). A priori l'auteure ne me parle pas tellement, mais j'aime bien cette idée d'une des nouvelles qui réécrit trois histoires d'amour (de la princesse de Clèves, de la Lorelei et de Marcel) donc je note, pourquoi pas!

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    1. La nouvelle-réécriture est très courte, je ne sais pas si ça vaut la peine d'acheter le recueil pour elle seule... Je crains que tu ne trouves l'ensemble trop "mignon".

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    2. Ah bon bon, ok c'est noté :)
      (Je précise que "mignon" n'était pas du tout péjoratif hein ! ;) - je venais surtout de découvrir ton billet sur Caroline Lamarche, et le contraste avec la veine plus sombre que cette dernière explore m'avait sans doute marquée en lisant ton billet sur Colette Nys Mazure)

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    3. Je comprends mieux pour le mignon alors. J'ai aussi eu cette impression contrastée, mais en sens inverse : le recueil de nouvelles lu juste après celui-ci m'a paru très noir et d'une écriture très vive.
      Si tu es vraiment tentée par la nouvelle-réécriture, je viens de voir que la première édition à la Renaissance du Livre est à la bibliothèque, ça te permettra de te faire une idée facilement. D'après ce que j'ai lu sur ton blog, je comprends que l'auteure ne te parle pas tellement.

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  3. Super, merci Mina ! J'irai quand même jeter un coup d'oeil car elle m'intéresse, puis je trouverais ça con de rester à vie sur le même a priori :)

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    1. Ca serait dommage, c'est vrai. Ton avis m'intéresse, sur ton blog ou en privé, si tu le lis. ;)

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  4. Mina là tu me touches, c'est ma chouchou, mon doudou. Je l'adore...

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    1. Je ne savais pas, mais n'en suis pas étonnée. Tu as d'autres textes d'elles ? Tu m'en conseillerais un en particulier ? (J'ai beaucoup aimé sa Célébration de la lecture avant ce recueil-ci. J'aurai un dimanche poétique spécial pour toi plus tard ;))

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  5. Une femme marquée par l'enfance, au regard bienveillant : c'est tout à fait ça, avec une belle attention aux personnes autour d'elle, aux petites choses du quotidien... Très méditative et spirituelle aussi. Si tu veux, je peux t'en prêter... (elle habite le village au bout de ma rue ou presque...)

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    1. C'est exactement de cette façon que je l'ai perçue dans ce recueil : cette attention aux autres et aux petites choses du quotidien est très présente. Merci pour la proposition de prêt, je pense que je devrais trouver plusieurs de ses livres à la bibliothèque.

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  6. En fait j'ai lu battements d'elles et courir sous l'averse (magnifique) qui sont des nouvelles et pour l'auteur féminin j'ai choisi un de ces livres que j'ai dépuis des années et non lu qui parle de son enfance et de peinture. Mina je ne suis pas anne ton amie mais l'autre au cas où tu nous confondrais puisque le même prénom. En fait je suis tombée en amour pour cette écrivain lorsque je l'ai entendu dans une interview

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    1. Je note ces (jolis) titres, merci. J'attendrai ta prochaine lecture avec curiosité. As-tu vu qu'une monographie sur cette auteure est parue tout récemment chez Luce Wilquin ?
      (Je t'avais en effet confondue avec Anne co-organisatrice, je serai plus attentive la prochaine fois)

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  7. Concernant la monographie non je ne savais pas mais comme il est prévu que je passe à la librairie demain faire le plein de romans de chez Luce Wilquin, j'espère l'y trouver. Merci pour l'info.

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  8. Je viens d'emprunter "Célébration du quotidien" de Colette Nys-Mazure :) Tu l'as lu?

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    1. Quelle bonne idée ! Je ne l'ai pas lu, mais l'ai vu cité quelques fois. J'ai lu Célébration de la lecture, un assez beau livre.

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