Les failles sont les orifices sensoriels, les sept meurtrières du visage. Une fois que les failles seront colmatées de l’intérieur, je serai infaillible et ne témoignerai pas. [p. 69]
PRENANT le contrepied d’un conte oriental, Luc Baba met en
scène un homme dont les « sept meurtrières du visage » se ferment les
unes après les autres, autrement dit qui perd progressivement tous les sens, à
l’exception du toucher. La rareté de la maladie ne lui permet pas d’en savoir
plus, et le lecteur en suit avec lui les progrès, ainsi que l’ordre des sens
qui disparaissent. Une telle intrigue aurait pu amener une apologie dramatisée
de la nature, de l’environnement et des perceptions, mais l’auteur a choisi une
autre voie : celle de l’humanité. Le narrateur passe en effet ses derniers
moments avec trois autres personnages, et leurs relations constituent le propos
principal du roman. Chacun réagit différemment face à cet homme qui se
transforme de plus en plus en handicapé, puis en « œuf » hermétique
au monde qui l’entoure excepté par sa peau. Se pose ainsi la question du
handicap aussi bien que celle de ce qui définit un être humain : lorsqu’on
ne perçoit plus le monde, qu’est-on ? Un écrivain, comme le suggère la
conclusion du roman ? Faut-il faire le deuil du monde, se couper de lui
pour mieux l’intérioriser et le transmettre par l’écriture ? Sous l’apparence
d’une triste histoire, agréablement narrée à la première personne, alternant
jolis passages légèrement lyriques et colères plus familières, Luc Baba
interpelle son lecteur et suscite un malaise réflexif.
Une légende intelligemment détournée.
NOTE | Une semaine avec Luce Wilquin : Anne ne m’accompagne
pas aujourd’hui dans cette lecture de la collection Sméraldine ; Nadège et
Argali la remplacent en mettant à l’honneur Aurélia Jane Lee avec son premier –
Dans ses petits papiers – et son
dernier roman – L’arbre à songes.
Les sept meurtrières du visage de Luc Baba
Luce Wilquin (Avin), coll. Sméraldine, 2013 – 1re
publication
Cette histoire m'intrigue!
RépondreSupprimerElle m'avait intriguée aussi quand l'éditrice me l'avait présentée.
SupprimerHâte de découvrir cet auteur aussi, tiens !
RépondreSupprimerJ'attends ta lecture ;)
SupprimerTon billet est clair et précis mais je ne sais que penser de cette lecture, si je m'y laisserai prendre. La légende pour la réflexion, cela m'intéresse mais, déjà, cette " perception " de l'écrivain me dérange.
RépondreSupprimerJe ne sais pas non plus qu'en penser par rapport à toi et si ça te plairait. Je n'ai à vrai dire pas été totalement satisfaite, ça manquait encore de quelques pages, d'un peu plus pour moi, et cette perception de l'écrivain (c'est une sorte de pirouette finale) me laisse sceptique également. C'était intéressant et agréable, mais je n'en garderai pas un souvenir plus exceptionnel que ça...
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