JEAN JAUNIAUX signe dans ce recueil une série de nouvelles
assez différentes, mais toutes marquées par la nationalité de l’auteur. Que ce
soit à la frontière française, à Bruxelles, à Bruges, à Saint-Idesbald ou à Écaussines,
chaque histoire se déroule en Belgique, à l’exception de Cher Georges, situé « quelque part dans le monde, à la veille
du déclenchement de la deuxième guerre d’Irak » [p. 79], et de L’émoi du Roi au Paradis. Il ne faut
néanmoins pas s’attendre à une promenade belge, comme celle proposée précédemment
dans Les Mots de Maud ou par Daniel
Charneux dans Comme un roman-fleuve ;
voyageant entre passé et futur, en les (ré)inventant tous deux, Jean Jauniaux
se préoccupe peu d’exactitude et met en avant un état d’esprit plutôt qu’un
lieu en particulier. L’actualité est ainsi observée et réinterprétée avec
humour : tandis qu’un célèbre ministre des affaires étrangères nommé à l’Europe
(que les lecteurs belges reconnaîtront aisément) trouve une solution originale
pour que la Guerre de George [n’ait] pas lieu, l’interprète Nicolas Dostkine
(que les lecteurs des Mots de Maud
retrouveront avec plaisir dans plusieurs nouvelles du recueil) parvient à
entériner le dernier élargissement de l’Union européenne : celui de la
Russie. Les évènements politiques sont dédramatisés, et l’art du compromis à la
belge parodié dans un esprit d’autodérision bon enfant.
Cette forme d’humour se retrouve également dans les
nouvelles que l’on pourrait qualifier d’historique, comme La traversée de la Manche ou Le
mystère de la Grande Dune d’Isdebald. Jean Jauniaux s’y attache à recréer
un passé belge légendaire, grâce à la visite de Miguel de Cervantès à l’Abbaye
des Sables à Saint-Isdebald ou à la construction d’une pyramide égyptienne en Belgique
(aujourd’hui enfouie sous les sables, bien entendu). Cette création légendaire
clôt le recueil, avec L’@rche des mots,
nouvelle de science-fiction futuriste assez sombre, qui pose la question de
notre avenir et de l’importance des mots dans notre monde.
D’autres nouvelles enfin jouent moins de l’humour que de la
nostalgie, non sans une pointe d’ironie. Noir
et blanc en particulier joue de ce registre mélancolique, en mettant en
scène un narrateur qui ne voyait la vie qu’en noir et blanc : cela donne
lieu à de très belles descriptions des jeux de lumière sur l’eau et les choses
en général. La chute, si elle n’est guère surprenante, ramène le lecteur vers
le passé et une époque révolue. Il en est de même dans Le Pavillon des douanes qui ouvre le recueil et fait le lien entre
les nouvelles d’actualité et celles-ci plus émotives, grâce au personnage d’un
vieux douanier nostalgique de son métier aboli par les réformes européennes.
Un recueil de nouvelles belges, entre humour
et émotion.
NOTE | Une semaine avec Luce Wilquin : le hasard a voulu
qu’Anne et moi trouvions le même recueil dans la collection Euphémie pour
inaugurer cette semaine thématique du mois belge.
Le pavillon des douanes de Jean Jauniaux
Luce Wilquin (Avin), coll. Euphémie, 2006 – 1re
publication
Quelle belle présentation qui nous donne un avant-goût assez complet de ce recueil! Mais je doute que cela me plaise... Vite la suite de ta semaine Luce Wilquin :)
RépondreSupprimerMerci ! J'ai tout de même passé sous silence quelques nouvelles. ;) J'espère que mes prochaines lectures te tenteront davantage.
SupprimerA te lire, j'ai le sentiment que ce livre est "réservé" aux Belges du fait des références culturelles de certains textes.
RépondreSupprimerJe me doutais que j'allais donner cette impression... Je ne sais pas du tout comment le texte peut être reçu et lu par d'autres. Les références ne sont pas présentes dans tous les textes, mais m'ont marquée et amusée.
SupprimerMoi aussi j'ai d'abord été sensible aux émotions très fortes qui se dégagent de certaines nouvelles, et pourtant l'auteur ne cherche pas à faire d'effet de manche... Une très belle découverte, grâce à toi, merci !
RépondreSupprimerPas d'effet de manche, c'est vrai. En fait, ces émotions plus fortes sont surtout celles qui me sont restées quelques jours après la lecture, en feuilletant le recueil. Sur le moment, j'avais été plus sensible à Noir et blanc ou à La mouette de Bruges, à ce regard de Jean Jauniaux sur les gens autour de lui.
SupprimerUn livre que j'espère lire prochainement :-)
RépondreSupprimerJe pense qu'il te plaira. :)
SupprimerVous titillez ma belgitude avec vos billets. Je le note pour très vite à mon avis.
RépondreSupprimerJ'étais sure que ça te tenterait et le suis presque autant que ça te plaira. ;)
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