DANS ces quatre nouvelles, ainsi que l’indique le titre, l’érotisme
se fait incongru : usés par les conventions ou trop longtemps délaissés,
les personnages ont en effet besoin d’expédients plus inhabituels pour jouir
véritablement à nouveau. Pour cette raison, le garage à vélos d’Albert connaît
une hausse exceptionnelle de fréquentation, surtout féminine. N’étant sans
doute pas dans la même région, Viviane a quant à elle recours à un mourant plus
vif qu’agonisant et Isabelle à un compagnon assez particulier (pas tout à fait
canin, mais… je n’en dis pas plus). Dans la dernière nouvelle, c’est un homme
qui se laisse prendre aux filets d’une femme toujours cagoulée en sa présence.
L’incongruité des situations va de pair avec un ton plutôt humoristique et pince-sans-rire,
comme le montre cet extrait de La Trompe-la-mort :
Viviane sentit alors poindre en elle un sentiment de frustration : quand on vous a vendu un condamné à mort, étreindre indéfiniment un homme en pleine santé finit par manquer de sel. [p. 66]
Cet humour ne suffit néanmoins pas à masquer une certaine
réprobation face aux comportements des personnages, incapables de trouver un
véritable bonheur dans cette situation. Ils sont soit rejetés par ceux qui
profitaient d’eux juste auparavant, soit méprisés par ceux qu’ils croyaient
tenir en leur pouvoir. Si la première nouvelle semble se terminer de façon
heureuse, elle ne laisse pas moins une impression d’invraisemblance, tandis que
la dernière fait preuve d’un réalisme plus cru et cruel, qui semble condamner
sans appel le protagoniste principal. Les mythes du libertin repenti et de la
beauté intérieure sont battus en brèche, comme l’était auparavant celui de l’amour
brisant les frontières sociales. Ce regard réprobateur du narrateur-auteur
place le lecteur dans une situation inconfortable, en le faisant se sentir lui
aussi surpris en flagrant délit d’incongruité érotique, celle de sa
lecture ; le rire s’étrangle quelque peu dans la gorge face au rictus
ironique du narrateur.
Un recueil divertissant et grinçant.
La Vénus incongrue de Claude Godet
Murmure des Soirs (Esneux), coll. érotique, 2013 – 1re
publication
Il y a aussi une collection érotique chez Murmure des soirs ? (J'avais oublié) Le garage à vélos m'inspire des images dont "rigoureusement ma mère m'a défendu de parler ici"... ;-)
RépondreSupprimerLa collection érotique est celle grâce à laquelle j'ai découvert la maison d'édition l'an dernier à la Foire du Livre. ;) Françoise Salmon a vu que mon regard avait été attiré et m'a présenté quelques titres.
SupprimerIl y a maintenant six collections au total : littérature générale, fantastique, érotique, aphorismes, Soirs en poche et Soirs noirs.
Le côté incongru me paraît assez tentant.
RépondreSupprimerJe pense que ces textes pourraient t'intéresser, je serais curieuse d'avoir tes impressions à leur sujet.
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