Il couche sa joue dans ma paume, sa respiration parcourt mes doigts, les réchauffe, un baiser, quelque chose comme ça, de fébrile et d’émouvant.Il longe mon flanc, il s’arrime.Cet arrêt devant la chair offerte, cette odeur de sueur, cette odeur d’homme que je perçois souvent sur moi. [p. 16]
DANIEL ARSAND livre avec Que
Tal un récit très intime, qu’il n’avait d’abord pas eu l’intention de
publier et a gardé dans un tiroir pendant plusieurs années*. Il y évoque son
dernier compagnon félin, Que Tal, et la vie passée à ses côtés : aussi
beau qu’exigeant, ce chat a en effet brisé la solitude de son maître et créé de
nouvelles habitudes dans le quotidien de celui-ci. Le temps s’écoulait en un
présent monotone et éternel, sans passé ni futur. Ces derniers sont néanmoins
présents dans le texte en trois parties, qui semblent correspondre
respectivement à avant, pendant et après la vie avec Que Tal, afin de mieux
rendre compte des changements que celui-ci a apportés à l’auteur, notamment à
son écriture.
Je suis devenu écrivain, parce que délivré du regard parental. Je suis devenu écrivain avec ange gardien. Que Tal se vautrait royalement sur mon bureau, tandis que sous ma plume naissaient tant bien que mal des personnages. Il rêvait. Lorsque je butais sur un des personnages, parce qu’il perdait chair et voix, qu’il était mensonge sans éclat ou vérité négligeable, je posais instantanément mon stylo et m’abandonnais à la contemplation de ma splendeur, de l’animal de neige. Sa beauté apaisait mes inquiétudes, balayait mon découragement.Vivre à deux, ce fut cela écrire entre transe et sérénité. [p. 51]
Comme le montre cet extrait, bien que la relation avec Que
Tal soit le sujet principal du récit, l’écriture y occupe également une place
importante. Elle a débuté en compagnie de Que Tal et s’est modifiée suite à son
décès, qui a provoqué une prise de conscience existentielle chez l’auteur,
soudain saisi par la réalité de sa finitude. Les réflexions sur l’écriture qui
en découlent rejoignent souvent celles de Laurence Tardieu, exprimées récemment
dans L’écriture et la vie : dans
des circonstances différentes, Daniel Arsand a lui aussi dû faire l’expérience
de la « nuit » pour se détacher d’une conception de la belle
écriture, au profit d’une écriture vitale et vraie : « ça n’a plus été écrire bien, mais écrire
juste.* » Cette justesse se traduit stylistiquement par des phrases
très fragmentées, dépourvues de fioritures, mais élégantes malgré tout, telles
qu’on en trouvait déjà dans le très beau roman Des amants. Le ressenti de l’auteur semble exprimé au plus près d’un
point de vue rythmique, en particulier lors de la mort de Que Tal : la
douleur segmente le texte en brefs paragraphes, et la culpabilité multiplie les
questions, par exemple.
Un récit émouvant et intéressant.
* Cette information et la citation proviennent de la
présentation du livre réalisée par la librairie Mollat, disponible sur leur
chaine Youtube.
NOTE : il est dommage qu’un si beau récit soit desservi
par de trop nombreuses coquilles, aussi bien typographiques qu’orthographiques
ou grammaticales.
Que Tal de Daniel Arsand
Phébus (Paris), 2013 – 1re publication
Egalement disponible dans l'édition de poche Libretto
Egalement disponible dans l'édition de poche Libretto
* Projet non fiction *
J'ai lu ce livre il y a déjà quelque temps. Je me souviens seulement qu'il m'avait plu. Mais je ne saurais plus dire ni pourquoi, ni comment !
RépondreSupprimerTu n'avais pas écrit d'article ? Je crois que je m'en souviendrai surtout pour cette question de l'écriture, en partie parce que je l'ai lu de façon rapprochée de L'écriture et la vie.
SupprimerUn titre qui m'intéresse : l'écriture, la compagnie du chat, la recherche du mot juste... Etonnantes, ces fautes d'impression chez Phébus - attendre l'édition suivante ?
RépondreSupprimerJ'ai moi aussi été étonnée par ces coquilles chez Phébus, surtout en si grand nombre (et en particulier une erreur d'accord de verbe absolument flagrante), mais je viens de terminer un Folio où j'en ai encore rencontré deux. Même les grandes maisons commenceraient à manquer de moyens pour engager des correcteurs supplémentaires ou feraient l'impasse sur une dernière relecture ? J'ose espérer que la prochaine édition fera l'objet d'une relecture et permettra d'éviter ces désagréments.
SupprimerJ'aime autant l'hommage au compagnon félin que l'idée de celui-ci amène à un questionnement autour de l'acte d'écrire.
RépondreSupprimerC'est également ce qui m'a plu dans ce texte. D'autres thèmes sont abordés à travers l'hommage au compagnon félin, mais l'écriture est vraiment celui qui a retenu mon attention, peut-être en raison de ma lecture récente de L'écriture et la vie.
SupprimerSi Un certain mois d'avril à Adana t'intéresse, je l'ai à la maison ! bisous
RépondreSupprimerC'est tentant, merci ! J'ai encore beaucoup de prêts à lire, mais je t'en reparlerai sans doute plus tard si ta proposition tient toujours. Bisous.
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