TANDIS que plusieurs auteurs exploitent la brièveté de la
nouvelle de façon à marquer le lecteur, Jean-Claude Garrigues prend son temps et
invite à s’installer confortablement dans les trois textes de ce recueil. Les
atmosphères sont patiemment construites, au gré des descriptions, souvenirs et nombreux
bavardages des personnages. Tous reviennent avec nostalgie sur leur passé et
celui d’un proche qui les a accompagnés. Ce sont tout d’abord deux amis qui
reconstituent leur enfance et jeunesse marseillaises, dans une nouvelle
agrémentée de quelques expressions locales. Bien que les idéaux de jeunesse, les
rêves d’ailleurs et l’insouciance soient loin derrière eux, leur vieillesse
demeure espiègle. Vient ensuite une vieille dame en voyage vers Paris,
peut-être plus acariâtre, qui se laissera apprivoiser par une jeune fille,
entre deux discussions avec un compagnon de bord de plage. Contrairement aux autres
textes, le second n’est pas linéaire dans sa narration et mêle les évènements,
entre passé et présent, dans une alternance parfois déstabilisante, mais
significative quant à la « révélation » finale ; les différentes parties du texte se révèlent
alors semblables à des taches de couleurs qui altèrent la vision après un
éblouissement :
Enfin, le dernier personnage fait un véritable voyage vers son passé et une sœur délaissée, dans une quête de compréhension perdue d’avance. Cette dernière nouvelle est sans doute la plus bavarde, par la confrontation des points de vue et les nombreux dialogues qu’elle contient. Ce qui semble se dégager le plus fortement de l’ensemble est une saveur douce-amère, des regards vers le passé, pourtant jamais tout à fait détournés du présent ; la vie paraît passée, mais continue néanmoins son cours et se rappelle aux personnages.Elle se réveille et reste sans bouger, comme paralysée, tout engourdie de sommeil. Nul bruit ne l’atteint encore, nulle odeur, nulle image. L’effleurement de l’air sur sa peau, la sensation même d’avoir un corps ont disparu. Elle n’est reliée au monde que par la lumière qui l’éblouit, transperce ses rétines pour irradier directement le cerveau. De curieux papillons multicolores au corps noir comme un trou béant éclatent dans sa tête. Feu d’artifice secret, incendie sombre et éblouissant. [La vieille dame qui rêvait sur la plage, p. 27]
De longues nouvelles douces-amères.
La vie en crue de Jean-Claude Garrigues
Quadrature (Louvain-la-Neuve), 2013 – 1re
publication
* A la découverte de Quadrature *
Je ne connais pas du tout. Pourquoi pas ?
RépondreSupprimerC'est une des nouveautés de Quadrature, une agréable surprise.
SupprimerJ'aime ce titre, ça me donne des désirs...
RépondreSupprimerIl en est question aussi. :) (Je le mets de côté pour toi)
SupprimerJe ne suis pas fan de nouvelles mais ton billet donne très envie !
RépondreSupprimerJe viens de chez Anne (oui, je sais, la honte... J'ai un retard invraisemblable concernant tes billets, notamment de nouvelles).
RépondreSupprimerJe n'avais pas compris qu'il n'y avait que 3 nouvelles (très longues alors ?). Anne m'avait quasi-convaincue mais ton billet me rappelle mes craintes initiales notamment en ce qui concerne le côté marseillais (pas ma tasse de thé).
En revanche; et très certainement parce que mon esprit de contradiction est particulièrement développé, l'extrait d'Anne ne m'a pas emballée quand le tien me donne envie ;)
Oui, trois longues nouvelles (je n'ai pas le recueil sous la main, il est chez Anne, mais je pense qu'il fait une petite centaine de pages au total). D'après tes craintes sur le côté marseillais et les descriptions, je ne te conseillerais pas ce recueil, à part la seconde nouvelle, dont est extrait le passage de mon article, moins ancrée à Marseille que la première. Je t'en reparlerai par mail, mais si tu es intéressée par les Histoires Jivaro, je peux y joindre ce recueil aussi, juste pour que tu testes.
Supprimerj'aime énormément ce livre ! il concoure pour le prix litter'halles 2015 à decize (nièvre) dont je fais partie du jury ! j'espére qu'il sera au moins finaliste ! pour moi c'est un coup de coeur véro b
RépondreSupprimerJ'ignorais qu'il concourait pour un prix, quels sont les autres textes en lice ?
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