Les maisons aussi ont leur jardin secret | Véronique Pingault

La serrure résiste. Un peu rouillée sans doute, grippée par le sel, elle protège contre son gré la maison engourdie. La porte a perdu de sa superbe. Le vernis a sauté il y longtemps, reléguant ses couleurs chaudes et ambrées, accueillantes, sur quelques angles de croisillons. Partout ailleurs, le bois corrodé a viré au gris. [Le dieu Éric, p. 97]
POUR SON PREMIER RECUEIL, Véronique Pingault a choisi de décliner le thème des maisons et des lieux de vie : jardins, appartements, terrasses, et plages voisines, généralement en bord de mer ou à Paris. Les maisons prennent vie aux yeux du lecteur grâce au sens que le personnage y attache. Elles deviennent tour à tour un souvenir familial (celui d’une grand-mère aimée, d’une unité perdue, d’un passé regretté ou d’un drame), le lieu d’un calvaire, un objet de désir, de vengeance ou de création. Les talons d’Adeline décline quant à elle la maison sous forme d’une métaphore : la tombe comme maison du mort, ainsi qu’on l’a expliqué à un enfant.

Comme ces déclinaisons, les genres des nouvelles varient. Je les classe en deux catégories : des crescendos et de la nostalgie. Dans le premier cas, il y a une escalade de la violence, voire de la folie, causée par un désir inassouvi (Avec terrasse), une trahison (La pelote de Phil) ou encore des nuisances sonores (Tintamarre et cacahuètes). Le style de ces trois nouvelles est oralisé, à la première personne, marqué par le ressassement, comme Une araignée au plafond. L’autre catégorie de nouvelles que je distingue joue quant à elle sur les souvenirs, le passé et les regrets. Le style est toujours marqué par la narration à la première personne, mais avec une empreinte orale moins marquée ; Marée haute, marée basse semble néanmoins à mi-chemin de ce point de vue. Touchantes sans excès, ces nouvelles m’ont plus particulièrement plu dans le recueil, par leur douce nostalgie.

La dernière nouvelle, Where you live, tranche avec les précédentes, par son inspiration musicale, son rythme plus saccadé également, et surtout par son dénouement. Comme le personnage, Véronique Pingault semble prête pour un nouveau départ littéraire, elle clôt le thème des maisons et ferme véritablement son recueil. Cela laisse présager un travail littéraire différent à l’avenir, que je suis curieuse de suivre. Si j’ai globalement apprécié son style, j’aimerais le voir s’affirmer davantage, se préciser ; j’attends d’y déceler quelque chose de plus, une identité plus marquée.

Un premier recueil agréable, entre crescendo et nostalgie.

NOTE | Autour de Quadrature : à l’occasion de Mon’s Livre, Laeti et moi avons chacune choisi un des recueils des nouvellistes et sœurs Pingault. Il s'agit de Bref, ils ont besoin d’un orthophoniste ! de Gaëlle Pingault chez Laeti.

Les maisons... - Quadrature

Les maisons aussi ont leur jardin secret de Véronique Pingault

Quadrature (Louvain-la-Neuve), 2015 – 1re publication

* SP reçu de l’éditeur *

8 commentaires:

  1. Le thème est très intéressant, je le note pour le mois belge :-)

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    1. Malheureusement, l'éditeur est belge, mais l'auteur est française. ;) Je te le conseille malgré tout, si le thème t'intéresse.

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  2. Tu donnes une belle analyse de ce recueil, dont j'arrive à me faire une idée. ça me tenterait aussi de le lire, à l'occasion! J'ai toujours apprécié les histoires qui s'attachent à des lieux de vie, et en particulier, les maisons. Tu me diras si je me trompe, ce recueil semble être une belle parenthèse pour se détendre, non?

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    1. Je pense que tu apprécieras, si le thème te touche. Ce n'est pas forcément original, mais c'est bien traité, diversifié et, comme tu l'écris, un agréable moment de lecture. Sans trop en attendre, c'est une belle parenthèse.

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  3. Je me disais bien "Véronique, Véronique... c'est vraiment Véronique Pingault ??" et voilà que tu éclaircis le mystère : elles sont deux ! Et soeurs en plus, ce n'est pas banal. Le thème des maisons m'intéresse beaucoup, il m'intéresse, ce recueil (je prends déjà des notes pour la Foire du livre ;-) )

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    1. J'étais persuadée que c'était la même et avais mal lu le prénom, ce n'est qu'à Mons que j'ai vu la différence et demandé par la même occasion s'il y avait un lien de parenté à l'éditeur.
      C'est une bonne note pour la Foire du Livre, je pense qu'il pourrait te plaire. ;)

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  4. Je m'étais demandée aussi si elle était liée à Gaëlle Pingault : merci d'avoir éclairci le mystère :).
    Ca ne me tentait pas a priori et ton avis ne me fait pas changer d'idée. J'ai un peu peur que ce soit banal.

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    1. J'aurais plus de scrupule à te le conseiller, en effet, je ne suis pas certaine que tu y trouveras ton compte.

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