Je cherche l'Italie | Yannick Haenel

YANNICK HAENEL a vécu à Florence pendant trois ans. Sous la forme d’un journal/récit, il relate cette expérience, cette vie particulière et les thèmes qui l’ont dominée : l’art, bien sûr, une quête qu’on pourrait qualifier de mystique, la mort de la politique en Italie et plus largement en Europe, ainsi que la lecture de l’œuvre intégrale de Georges Bataille. Tous ces fils narratifs se croisent et se mêlent, parfois dans une confusion relative, pour nourrir la réflexion d’Yannick Haenel.
Je veux faire l’expérience de ce point – le dénuder. Ou plutôt me dénuder à son contact. J’écris ce livre dans ce but. Les charmes de l’Italie m’intéressent, bien sûr, mais j’attends autre chose du récit qui me les confie. Ce que j’ai vécu durant trois ans à Florence ne relève pas de l’agitation perdue, ni de la joie des vacances prolongées, mais d’une rencontre avec des vérités qui se soustraient à l’appel. [p. 78-79]
Le premier objectif de cette vie italienne est la quête mystique et spirituelle de l’auteur, liée à l’art davantage qu’à la religion. Par la contemplation de la ville-musée, il se rend disponible à différentes formes d’extase (artistique et amoureuse, pour n’en citer que deux exemples), à une « illumination », qui fait l’objet du très bel avant-dernier chapitre. Cette recherche donne également lieu à de nombreuses réflexions qui émaillent le récit. Celles-ci portent sur l’intériorité et le cheminement personnel de l’auteur.
Moi, j’étais comme l’un de ces gibelins du Trecento : complètement exalté. J’avais la tête en feu : ce paysage de collines héraldiques, de châteaux forts isolés parmi les cyprès, mêlé à l’élégance violente, à la grâce un peu rude de Florence, tout m’embrasait ; et dans mon esprit bouillonnait un mélange de chevalerie platonisante et de rugosité étrusco-païenne grâce auquel la Toscane, en sortant de la féodalité, fonde sa spiritualité spéciale, où l’art prend part à la noblesse. [p. 37]
D’autres réflexions concernent en revanche l’Italie contemporaine et plus largement l’Europe et le monde : la politique, la situation sociale, la « crise », et ce dont elles sont les symptômes, sont évoquées. L’introspection apparaît alors comme une réponse, celle du refus de se laisser sombrer et engloutir.

NOTE : l’article des Inrocks est plus précis sur la portée politique du récit.

Je cherche l'Italie - Haenel

Je cherche l’Italie d’Yannick Haenel

Gallimard (Paris), coll. L’Infini, 2015 – 1re publication

10 commentaires:

  1. Bon, j'attends que le lecteur de la bibli le libère, et je saute dessus! Merci d'avoir attiré mon attention sur ce livre, qui m'a l'air bien dense.

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    1. J'aurais pu me douter qu'il t'intéresserait. J'espère qu'il te plaira. D'après ce que j'ai lu d'Yannick Haenel, c'est souvent dense, riche de réflexion en tout cas.

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  2. Il est parti là-bas pour se "retrouver" en d'autres mots? Ce genre de récit m'aurait bien plu s'il s'était focalisé sur la "Dolce vita", l'Italie gourmande et touristique. Tu as aimé cette lecture plus politique et introspective?

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    1. Je ne pense pas que c'était son but premier et qu'il cherchait à se "retrouver" au sens où tu l'entends, mais bien à faire une expérience spirituelle particulière, c'est certain ; sa femme est italienne, je pense que c'est aussi pour ça qu'ils sont partis vivre à Florence (mais il n'est pas mentionné pourquoi ils en sont repartis).
      Tu n'y trouveras pas ton compte, il y a de belles scènes de dolce vita et d'Italie artistique, mais ce n'est pas l'ensemble du récit, juste quelques touches de temps à autre en quelque sorte. J'ai beaucoup aimé suivre Yannick Haenel dans ce parcours, ai parfois dû m'accrocher pour bien comprendre certaines réflexions, mais il m'a paru difficile d'en parler : je ne pourrais pas te résumer sa pensée par exemple. J'ai autant apprécié retrouver la Florence que j'aime, rêver à la vie italienne que retrouver aussi l'auteur, son souci de l'art et sa conception de la littérature.

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  3. C'est l'une des plus belles villes italiennes Florence mine de rien...il aurait pu trouver pire. Je crains quelque chose de très ardu et introspectif, peut-être ai-je tort...

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    1. C'est certain, et il en est conscient, il y a de beaux passages sur la ville. C'est très introspectif, et je me suis parfois accrochée pour le suivre, je ne te donnerais pas tort...

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  4. La quête mystique à travers l'art semble être un élément récurrent de son œuvre, non? Du moins cela était déjà présent dans "A mon seul désir".

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    1. J'ai eu la même impression et y ai sans doute été attentive après "A mon seul désir", davantage qu'à la politique par exemple. Il me semble en tout cas que c'est quelque chose qu'il recherche.

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  5. Je suis très partagée à la lecture de ton billet : d'un côté le travail introspectif et la quête spirituelle de l'auteur pourrait beaucoup m'intéresser, de l'autre... je ne me sens pas du tout concernée par l'Italie malgré tout l'engouement que ce pays suscite souvent... Est-ce que Y. Haenel utilise d'autres prétextes que l'Italie dans ses autres romans pour suivre sa quête mystique ?

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    1. Je n'ai lu qu'un seul autre titre d'Yannick Haenel, mais je pense pouvoir te le conseiller : A mon seul désir. La quête se déploie là à Paris, autour de la tapisserie de la dame à la licorne ; rien à voir avec l'Italie donc. Je ne pense pas non plus que l'Italie intervienne dans ses autres romans, mais ce serait à vérifier. Je pense que l'art est davantage un dénominateur commun dans son œuvre que l'Italie, en tout cas.

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