A l'envers l'origine | Joël Glaziou

Chaque port est une arrivée et un départ. Chaque point est une mort et une naissance. Seul le fleuve peut relier tous ces points, tous les instants menant de la source à la mer. Que sont les souvenirs dans le cours de la vie… une photographie, quelques mots dans une phrase, la phrase dans la page, la page dans le livre ? Et qui se rappelle la mousse, la fougère, l’ardoise tapissant le berceau de la source ? Et qui se souvient de l’eau douce dans la mer ? [Les histoires du fleuve, p. 60]
JOËL GLAZIOU emmène son lecteur sur les bords de la Loire, de l’aval à l’amont, de nouvelles en proses poétiques, de récits en rêveries diverses. À l’envers du temps et du courant, il espère (re)trouver l’origine : la sienne, celle du fleuve, de sa famille, du monde, ou de ses mots ; le palimpseste sous son texte. Dans le même temps, il sait et reconnaît l’entreprise vaine, sans cesse à repenser, car où s’arrêter et quel point de vue adopter ?

Un tel projet de retour à l’origine implique un appel aux souvenirs, très présents dans le recueil. Ils se présentent soit sous la forme d’un récit narratif – rarement à chute –, soit sous celle d’un poème en prose, une brève évocation davantage qu’une histoire. La rêverie se déploie alors à partir d’un mot et d’un objet, le plus souvent autour de l’acte d’écrire, comme dans la belle Écriture bleu nuit. Généralement réalistes, les récits prennent parfois quant à eux une teinte onirique : l’atmosphère se charge de fantômes dans l'émouvant Souvenir noir et blanc, un couple découvre l’histoire des folies dans de vieilles ruines, et le narrateur déambule dans les paradis de rêve, les jardins de Dieu.

De souvenir en souvenir, il est également question des générations passées – telle la figure du père dans À l’ombre d’un cyprès –, de leur héritage, des traditions inconscientes dont on se demande comment elles se perpétuent – pourquoi ces immuables constructions de châteaux de sable sur les plages ? –, des traumatismes de l’enfance (Ce n’est pourtant pas grave) et des premières fois (À l’abri des regards). À travers tous ces thèmes, se dessine la recherche du commencement, mise en dialogue entre passé et présent dans la première nouvelle, La vie au fil de l’eau. Sans y apporter de réponse, Joël Glaziou propose donc diverses variations autour du thème, qui se laissent lire agréablement, sans être exceptionnelles, ni me laisser de souvenir marqué.
Là il ne reste ni mots ni traces de pas. Sur la laisse de mer tout en haut de l’estran, l’inconnu ramasse débris et coquillages et la jeune femme déchiffre les nouvelles, page par page, telles que chaque marée semble déposer là à sa seule intention. [p. 87]

A l'envers l'origine - Glaziou

À l’envers l’origine de Joël Glaziou

Luce Wilquin (Avin), coll. Euphémie, 2015 – 1re publication (à l’exception de La vie au fil de l’eau, Écriture bleu nuit et L’origine du monde)

* SP reçu de l’éditeur *

6 commentaires:

  1. Tu confirmes ce que je craignais à la présentation de ce recueil :un peu trop poétique pour moi, même si ces histoires doivent être très jolies. j'aime bien ton premier extrait et le thème du souvenir est accrocheur. Mais je ne suis pas plus tentée que cela.

    ps : j'ai découvert un nouveau mot aujourd'hui, "le palimpseste" (heureusement que je ne dois pas le prononcer!).

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    1. Je ne pense pas non plus que ce soit un recueil pour toi, la poésie qui m'a plu ne te parlerait pas, et les nouvelles en elles-mêmes ne sont pas les meilleures que j'aie lu, ni toi non plus.

      Je connaissais le "palimpseste" par un cours de littérature et avais oublié qu'il n'était pas courant, en le retrouvant dans le recueil ; au moins, tu l'auras appris (j'évite de le placer dans les conversations et d'avoir à le prononcer aussi ;))

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  2. Tu m'en avais parlé, cela se confirme donc que le monsieur est meilleur en format court qu'en roman, mais mon expérience a été si mauvaise que je ne me sens pas le goût de le lire à nouveau...

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    1. Il est vrai que le format court lui convient bien, mais il n'y excelle pas non plus... Je l'ai préféré poète plutôt que nouvelliste, d'ailleurs. A moins d'un prochain recueil exceptionnel, je n'insisterai personnellement pas auprès de toi.

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  3. Je trouvais le titre plutôt attirant d'après ton article, pour le côté poétique, mais ce qu'en dit Anne et ce que tu lui réponds me freine un peu...

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    1. Laisse-toi peut-être tenter, à l'occasion, pour te faire une idée de l'auteur. Il y a de beaux passages et même de beaux textes, mais pour moi, rien d'indispensable, ni à même de surmonter une mauvaise expérience comme celle qu'a vécue Anne, d'où le message que je lui adresse. En le lisant sans le connaître avant, j'ai passé un moment plutôt agréable (mais sans plus).

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