S’est-on assez interrogé sur la raison qui fait qu’en français le même mot désigne les conditions météorologiques et la durée des heures qui s’écoulent ? Pour ma part, je me suis souvent demandé si le temps qu’il fait et le temps qui passe ne dépendaient pas d’une même instance mystérieuse et ambiguë, tel le dieu Janus bifrons. [p. 13]
DE L’ART DE LAISSER FILER LE TEMPS, de s’accommoder de la météo et du rythme qu’elle impose, de cesser la course après le temps ou la poursuite de la vaine illusion de son arrêt, pour mieux rêver aux nuages ; ainsi pourrait être paraphrasé ce petit éloge du temps comme il va, de façon cruellement réductrice. Denis Grozdanovitch y aborde différentes acceptions du terme « temps », ainsi que notre attitude face à ces phénomènes. Celle qu’il prône tient du louvoiement et de l’adaptation aux circonstances, une forme de nonchalance prête à accueillir les évènements.
Face aux diktats solaires, il défend la pluie, qui martèle les toits et accompagne si bien les lectures au grenier ; qui ralentit le temps, se montre propice aux rêveries à la fenêtre. Il rappelle également le plaisir des enfants et des rêveurs, la néphomancie – la divination par l’observation des nuages –, en déplorant que ses contemporains accordent si peu d’attention aux ciels, pourtant pourvoyeurs de magnifiques spectacles. Seule l’heure soyeuse – celle du réveil sous la neige – semble encore susciter un peu d’émerveillement. Outre la météo, la problématique du temps, de sa durée et de sa mesure, est elle aussi traitée par Denis Grozdanovitch, s’interrogeant notamment sur la volonté d’« arrêter le temps » et le problème que pose le si vanté carpe diem.
Toutes ces questions trouvent leur réponse dans l’évocation des souvenirs de l’auteur, surgis de son enfance et de sa jeunesse en particulier, ainsi que dans sa grande culture. De nombreuses citations sont proposées et commentées, de même que des scènes de film ou des récits mythologiques. L’ensemble se lit donc très agréablement, entre la rêverie et la réflexion.
Or ces diverses expériences, au cours desquelles le temps me paraissait avoir passé à la fois très vite et très lentement, finirent par répondre à la question que je m’étais toujours posée quant à l’ambivalence du mot « temps » dans le langue française : la chronologie entretenait bien d’étroits rapports tautologiques avec la météorologie puisque celle-ci, en déterminant nos états d’âme, faisait fluctuer les différentes vitesses auxquelles étaient soumises nos existences. [p. 110]
Un petit éloge qui se lit agréablement, pour un autre regard.
Petit éloge du temps comme il va de Denis Grozdanovitch
Gallimard (Paris), coll. Folio 2€, 2014 – 1re publication
* LC avec Marilyne *
* Projet non-fiction *
Gallimard (Paris), coll. Folio 2€, 2014 – 1re publication
* LC avec Marilyne *
* Projet non-fiction *
J'ai toujours beaucoup aimé lire cet auteur, de bonne compagnie (ma bibli l'a reçu!)
RépondreSupprimerChanceuse ! Il doit être passionnant à écouter !
SupprimerBelle lecture :) Je me suis absolument laissée prendre aux pages évoquant l'observation des nuages ( qui m'ont rappelé le roman " Argentine " de Serge Delaive ^-^, un personnage photographe chasseur de nuages ).
RépondreSupprimerSi maintenant tu fais face aux " diktats solaires ", tu es prête pour " De la pluie " de Martin Page ;)
Les pages sur l'observation des nuages m'ont rappelé des après-midis à les commenter avec une voisine, couchées dans l'herbe. :) Ces pages m'ont aussi fait lever la tête du livre, avec une petite culpabilité : je les lisais en marchant, au lieu de profiter du beau ciel bruxellois avant de m'enfermer.
SupprimerPour "De la pluie", je serais prête à le lire, un jour de grand soleil, j'y reste attachée. ;) (Mais cette histoire de nuages, dans Argentine... C'est tentant)
A mon avis, c'est plus l'évocation de souvenirs qui pourrait m'intéresser, que me thème en lui-même. Débattre sur le temps qui file, plutôt que sur la météo, me parle plus aussi.
RépondreSupprimerL'évocation et la réflexion se mêlent assez bien l'un à l'autre, même si la seconde prend un peu le pas à la fin. La météo est davantage dans l'évocation et le temps qui passe dans la réflexion. Je pense que c'est un petit livre qui pourrait te plaire d'après ton commentaire. (Et puis, 2€, ça vaut la peine de se laisser tenter :))
SupprimerOh tu sais, il me touche ton billet et ta ^phrase en exergue. Quand j'ai ouvert le blog, j'avais mis en sous-titre "billets maritimes sur le temps qu'il fait et qui passe", et je suis entièrement d'accord avec lui, c'est fou l'ambivalence du mot "temps". j'aime tout ce que tu dis de lui: la nécessité de la pluie, l'enthousiasme des nuages...
RépondreSupprimerIl est noté.
Je pense que c'est un petit livre qui pourrait te plaire, surtout si tant de passages t'ont parlé dans mon article ; j'avais oublié ce sous-titre de ton blog, qui avait retenu mon attention quand j'ai commencé à te suivre.
SupprimerMina, je ne sais pas ce qu'il se passe ni si mes comm ont un bon format, c'est bizarre la présentation aujourd'hui...
RépondreSupprimerJe reviens après la guerre et ne sais pas ce qui s'est passé, tout semble normal...
SupprimerUn petit livre qui m'avait bien plu. J'avais aimé l'idée de tactique personnelle à développer vis-à-vis du temps qu'il fait comme du temps qui passe : une philosophie du quotidien que nous pratiquons tous les jours finalement...
RépondreSupprimerJ'ai moi aussi apprécié cette petite philosophie de l'esquive et cette idée de s'accommoder du temps comme il va. Je me rappelle de ton article, il m'avait tentée.
SupprimerOn ne s'ennuie pas avec Grozdanovitch, ses livres sont de bonne compagnie.
RépondreSupprimerJe n'ai lu que celui-ci, mais retrouverais certainement avec plaisir la compagnie de ses ouvrages : lequel conseillerais-tu particulièrement ?
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