Le degré zorro de l'écriture | Jean-Pierre Verheggen

Afin de continuer à varier les lectures proposées lors du mois belge au Salon, j’ai choisi d’inviter Celin, une amie dont les goûts pourraient être qualifiés de complémentaires aux miens. Aussi contemporaine que je peux être classique, aussi friande de jeux de mots que je suis puriste d’un point de vue linguistique, elle était la personne la mieux placée pour présenter Le degré zorro de l’écriture de Jean-Pierre Verheggen.
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C’EST AVEC BONHEUR et délectation que je vous présente cette lecture belge complètement atypique. Loin d’être simplement original, Verheggen y déconstruit totalement toutes les conventions de la littérature classique. Pas la peine de chercher une trame, des personnages, une prise de position explicite ou même une leçon à tirer, vous risquerez d’y perdre tout intérêt. Pour ma part, j’ai trouvé dans ce livre de quoi abreuver ma soif de jeux de mots et de divagations phonétiques.

Le titre, grande boutade à l’auteur du Degré zéro de l’écriture, m’avait au départ préparée à rencontrer des prises de position allant à contre-courant des modèles littéraires enseignés dans les écoles ou les universités. Pourtant, la référence textuelle à Barthes et aux enjeux de l’écriture s’arrête là. En omettant de critiquer le contenu ou la forme d’une œuvre idéale, Verheggen laisse toute la place au plaisir personnel qu’on éprouve envers sa langue maternelle. Finalement, après avoir abandonné toutes mes conventions et mes attentes, je me suis ouverte à une ode à la subjectivité.

Restez attentifs, chers lecteurs, si vous ouvrez un jour le Degré zorro, à tous les détails de la mise en page et aux coquilles volontaires qui retournent le sens des mots. Il y a entre ces lignes un trésor de surprises pour celui qui veut se laisser troubler, car comme le dit l’auteur, « au fond, c’est aussi cela mon écriture. Cette débilité totale et à la fois cette réinvention continuellement perturbatrice. Comme s’il s’agissait de sous-titres décalés. Comme si, toujours, j’étais un plan en retard ou en avance, ratant la marche. »

Plus personnellement, je me suis prise d’affection pour ce texte qui me rappelait mes mots d’enfants ou le wallon de mes grands-parents. Heureuse d’abandonner un temps la recherche de style, d’excellence ou du bien dit, je me suis retrouvée dans les tréfonds du français et de ses amies les langues romanes. Et c’était un réel plaisir de lire un auteur qui s’appropriait les tabous littéraires et les patois wallons pour la pure satisfaction que leur prononciation peut provoquer.

J’ai été très heureuse de m’attarder plus longtemps sur ce poète en prose que je connaissais uniquement de réputation. Un livre que je reprendrai certainement lorsque je me sentirai étouffée par le désir de faire sens afin de retrouver la jouissance des mots, simplement.

Merci
Verheggen, Vrillheggen
Vulgairheggen, Vers-heggen
Mon intellectrouel

Le degré zorro de l'écriture

Le degré zorro de l’écriture de Jean-Pierre Verheggen

Labor (Bruxelles), coll. Espace Nord, 1998 – édition revue

1re publication (Christian Bourgeois) : 1978

* Le mois belge d’Anne et Mina *

8 commentaires:

  1. J'avoue ne pas exactement savoir à quoi m'attendre concernant ce livre à la lecture de ce billet, mais je comprends que cette absence d'expectatives semble être ce qui rend la lecture réjouissante :)

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  2. Moi non plus je ne saisis pas le but de ce texte et je ne pense pas que cela me plairiat mais j'aime le côté jubilatoire de ce billet !

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  3. Lili, Anne, sachant que la présentation de l'éditeur se résume à "Devenu un livre de référence, cet ouvrage inclassable tente de répondre à la question : quelle langue inventer, qui précipite l’effondrement des « modèles » idéologiques et des stéréotypes formels ?", le billet de Celin m'a paru plus éclairant, même si la forme du texte reste énigmatique.

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  4. Il est dans ma PAL depuis très longtemps, mais je n'ai encore jamais eu le courage de l'ouvrir. Ce billet a piqué ma curiosité, mais je pense qu'il restera dans ma PAL jusqu'au mois belge 2016 ;-)

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  5. Voilà un livre appétissant ! Il faut que je le retienne mais le titre est déjà franchement inoubliable. Cela faisait un moment que je me disais "il faut que j'aille lire le billet de Mina sur ce degré zorro de l'écriture" ! Malicieux et subversif, non ?

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    1. Et surprise, le billet n'est pas de moi. :) Je me demande si tu apprécierais ce livre et ne suis pas étonnée qu'il ait retenu ton attention.

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    2. Oups ! L'étourdie que je suis, j'ai lu un peu vite ton introduction ^^
      J'aimerais bien en lire quelques extraits déjà, à voir !

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    3. C'est vrai que Celin suscite la curiosité et donne envie d'en lire au moins un extrait. Tu le trouveras peut-être en bibliothèque.

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