AVEC POÉSIE et délicatesse, Simon-Pierre Hamelin évoque les années d’exil de Marina Tsvetaeva et sa famille en France, au 101 de la rue Condorcet à Clamart. Ayant lui-même vécu dans cette habitation de banlieue, il en retrace l’éloignement, l’ennui, l’exiguïté des pièces et le ciel presque vaste parfois, le froid qui s’infiltre partout, mais aussi les après-midis et les soirées d’été, allongés dans les jardins odorants, sous les arbres en dessous desquels on se croirait presque de retour dans sa patrie. Il rappelle également le passé russe de ce quartier, où de nombreux émigrés ont trouvé refuge, sans cesser de rêver au retour pourtant redouté.
À travers cette évocation, Simon-Pierre Hamelin convoque autant ses propres souvenirs que ceux – fantasmés – de la poétesse, de la même façon qu’il mêle leurs deux poésies : celle de Marina Tsvetaeva est citée par fragments et celle de l’auteur se déploie dans sa prose à la première personne. Il donne successivement la parole à chaque membre de la famille durant quelques jours, depuis l’annonce par lettre du passage d’un huissier à la visite de celui-ci. Les portraits sont ainsi esquissés, nuancés par l’un ou l’autre regard, et toujours marqués par la souffrance de l’exil – celui du pays, que le jeune fils n’a pas connu, et celui du monde poétique de Marina Tsvetaeva, univers intime où elle se renferme et dont elle exclut ses proches. Elle se sent elle-même rejetée de l’intimité de son mari ou de ses enfants, à la recherche d’« une île où Mourlyka laisserait de côté sa condescendance, où [elle] aurai[t] enfin quelque emprise sur lui […] une île où elle retrouverai[t] Alia […], où elle cesserait de [la] juger à l’emporte-pièce et [l’]aimerait toujours à la folie comme une grande maladie » [p. 39] Chacun nourrit ses rancœurs et ses illusions, teintant cette évocation de mélancolie, que n’atténue pas la dernière prise de parole de Marina, « la changeante écume des flots » qui sait « tout ce qui fut, tout ce qui sera. » [p. 87, extrait du poème Les Nuits sans celui qu’on aime, traduit par E. Malleret et P. Léon]
À travers cette évocation, Simon-Pierre Hamelin convoque autant ses propres souvenirs que ceux – fantasmés – de la poétesse, de la même façon qu’il mêle leurs deux poésies : celle de Marina Tsvetaeva est citée par fragments et celle de l’auteur se déploie dans sa prose à la première personne. Il donne successivement la parole à chaque membre de la famille durant quelques jours, depuis l’annonce par lettre du passage d’un huissier à la visite de celui-ci. Les portraits sont ainsi esquissés, nuancés par l’un ou l’autre regard, et toujours marqués par la souffrance de l’exil – celui du pays, que le jeune fils n’a pas connu, et celui du monde poétique de Marina Tsvetaeva, univers intime où elle se renferme et dont elle exclut ses proches. Elle se sent elle-même rejetée de l’intimité de son mari ou de ses enfants, à la recherche d’« une île où Mourlyka laisserait de côté sa condescendance, où [elle] aurai[t] enfin quelque emprise sur lui […] une île où elle retrouverai[t] Alia […], où elle cesserait de [la] juger à l’emporte-pièce et [l’]aimerait toujours à la folie comme une grande maladie » [p. 39] Chacun nourrit ses rancœurs et ses illusions, teintant cette évocation de mélancolie, que n’atténue pas la dernière prise de parole de Marina, « la changeante écume des flots » qui sait « tout ce qui fut, tout ce qui sera. » [p. 87, extrait du poème Les Nuits sans celui qu’on aime, traduit par E. Malleret et P. Léon]
Une très belle évocation de Marina Tsvetaeva.
101, rue Condorcet, Clamart de Simon-Pierre Hamelin
Éditions de la Différence (Paris), 2013 – 1re publication
* Conseil et prêt d’Anne *
Éditions de la Différence (Paris), 2013 – 1re publication
* Conseil et prêt d’Anne *
J'ai lu Vivre dans le feu, l'autobiographie de Marina Tsvetaeva, l'année dernière. Je savais donc qu'elle a vécu en France. Elle a même écrit quelques vers en français. En revanche, je ne connaissais pas ce livre-ci et je vais m'empresser de l'acheter ! Merci BEAUCOUP pour ce partage ! J'aime beaucoup cette poétesse.
RépondreSupprimerJ'ignorais qu'elle avait écrit une autobiographie, j'ai encore beaucoup à lire de et sur cette poétesse. J'ai en revanche apprécié sa poésie moi aussi. Tant mieux si j'ai pu te faire découvrir ce roman, il lui rend un bel hommage.
SupprimerEn fait, ce sont des extraits de ces journaux, sélectionnés et publiés après sa mort. C'est pas mal du tout et assez tragique...
RépondreSupprimerEntre Hamelin et Sandrine Willems, on peux dire que tu vas sérieusement influencer mes prêts à la bibliothèque samedi ;)
Ca m'intéresse d'autant plus sous cette forme !
SupprimerJe t'ai envoyé une précision quant à Sandrine Willems ;)
En ce moment, tous les livres que j'ai prêtés aux copines et qui reviennent, j'ai envie de les relire ;-)
RépondreSupprimerTant mieux, ce sont d'intéressants projets de relecture, avec ces livres que tu prêtes et qui sont souvent si beaux.
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