Peter Pan | James M. Barrie

IL Y A beaucoup à dire de Peter Pan, aussi bien du personnage que du conte, ainsi que des adaptations qui ont pu en être tirées ; il fait partie de ces textes qui révèlent toujours une nouvelle facette à chaque lecture. Lors de la première, je me souviens avoir été marquée par la représentation de l’enfant, « joyeux, innocent et sans cœur » [p. 140] Cette fois, j’ai été davantage attentive à la narration du conte. L’origine théâtrale de l’histoire de Peter Pan se ressent encore par sa dimension orale, tant dans la vivacité des dialogues que dans les interventions de James M. Barrie. Il n’hésite pas à interpeler son lecteur, remettre en cause les choix des personnages et à prendre parti pour l’un ou l’autre.
Certains préfèrent Peter, d’autres Wendy ; nous, c’est [Mme Darling] que nous préférons. Supposons que, pour lui faire plaisir, nous lui murmurions dans son sommeil que les moutards vont bientôt revenir. [p. 126]
En conteur pédagogue, de façon semblable à celle qu’a employée Myriam Mallié dans son Petit chaperon rouge, James M. Barrie déploie les décors et scènes de son conte tout en les commentant. Il souligne par exemple les topiques des contes traditionnels, qui nourrissent les imaginations des enfants et fondent le pays de l’Imaginaire. Il crée également des ponts entre réalité et fiction, naviguant alternativement de l’Île merveilleuse à la chambre des enfants, introduisant le merveilleux dans la vie bourgeoise du couple Darling et ramenant la réalité à petites touches au pays de l’Imaginaire.

Cette résurgence de la réalité sur l’Île merveilleuse se fait notamment par l’intermédiaire du personnage du capitaine Crochet, auquel j’ai été plus sensible lors de cette relecture. Il apparaît tout d’abord comme un méchant de conte classique : un pirate cruel, sans pitié, amputé et d’autant plus terrible avec le crochet greffé à son bras, grand ennemi de Peter Pan. Son portrait est ensuite nuancé, il est capable de s’attendrir et d’être un homme délicat, soucieux du bon ton. Il semble être une incarnation du dandy d’un autre temps, égaré de la réalité dans l’imaginaire des enfants.

Crochet lui-même, comment se comportait-il en cet instant suprême ? Si corrompu qu’il fût, nous nous réjouissons, sans pour autant sympathiser avec lui, qu’il sût finir en beauté, fidèle aux traditions de sa race. [p. 120]
En outre, il exprime lui aussi une peur fondamentale, qui le rend humain et plus proche du lecteur : si Peter Pan est l’enfant qui ne veut pas grandir, Jacques Crochet est l’homme qui craint de mourir.

Un conte très riche, à (re)lire.

NOTE | L’heure du conte : Peter Pan est à l’honneur en ce dernier jour de l’année. Marilyne vous présente l’album Le journal de Peter.

Peter Pan - James M. Barrie

Peter Pan de James M. Barrie, traduit de l’anglais par Yvette Métral

Librio (Paris), 2009

1re représentation de la pièce de théâtre : 1904
1re publication du roman (Royaume-Uni) : 1911

9 commentaires:

  1. Je l'ai acheté cet automne et je suis très curieuse de le lire. J'en profite pour te souhaiter une très belle année 2015

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je serais curieuse de savoir ce que tu en retiendras en le lisant. Je te souhaite une belle année 2015 également et d'agréables fêtes.

      Supprimer
  2. Tu sais comme je suis ravie que Peter nous accompagne :-) Ce que tu soulignes sur la " personnalité " de Crochet rejoint toute la réflexion sur la temporalité dans ce conte, une temporalité qui ne s'accorde pas avec celle de l'adulte, en temporalité " en cercles " ( qui revient toujours, tour de l'île, rondes des danses, aller-retour, etc. Tu remarqueras que c'est le crocodile, le dévoreur, qui symbolise le temps... )

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis ravie quant à moi de cette relecture et de cette mise à l'honneur du personnage :) Merci pour ces précisions supplémentaires sur la temporalité ; les contes sont décidément passionnants par toutes ces figures qui reviennent...

      Supprimer
  3. Je l'ai eu souvent entre les mains mais ne l'ai jamais lu. J'ai peur d'être déçue... Que le masque tombe. Héhé ! Je m'y mettrai un jour !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je comprends ta peur... Mais le conte est assez riche pour que tu puisses y revenir et dépasser une éventuelle première déception/surprise. C'est une histoire qui te tient à cœur ?

      Supprimer
  4. Pfff les filles, vous me donnez envie de tout lire ou presque de ce que vous présentez ! Vos billets à la fois attrayants et si bien documentés sont une tuerie !!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais lis donc, rejoins-nous dans les contes ! C'est passionnant (avec un petit goût de "revenons-y l'année prochaine") Je suis très contente de te tenter ainsi. ;)

      Supprimer
  5. Il m'intéresse grandement ce livre. Je ne connais pas, je ne me souviens même d'avoir vu l'adaptation de Disney ! Avant de voir cette dernière je lirai ce livre qui me tente grandement. J'adore ces livres de la collection Librio et en plus je ne vais pas tarder à retourner chez Gibert Jeune...

    RépondreSupprimer

NOTE : tous les commentaires sont les bienvenus et modérés avant publication. Il est plus sympathique de savoir à qui l'on écrit, plutôt qu'à un "anonyme" ; je vous invite donc à utiliser la fonction "Nom/URL" pour indiquer votre nom ou pseudonyme si vous n'avez pas de compte pour vous identifier (la case de l'URL est facultative).