TROIS NUITS et deux jours d’amour, d’attirance réciproque et
irrésistible, de caresses, de frôlements, de baisers, de petites séparations et
de retrouvailles enfiévrées. Ainsi pourrait être résumé ce court roman
de Violette Leduc, initialement conçu comme la première partie d’un ensemble
plus vaste (Ravages). Chaque geste et
pensée de Thérèse, la narratrice de ce récit à la première personne, est
mentionné, parfois de façon répétitive. Cela donne à l’écriture de Violette
Leduc un caractère chirurgical, voire mécanique : tout est décortiqué et
analysé, sans fantaisie, ni vagabondage hors des sentiers balisés, du moins en
ce qui concerne la structure grammaticale souvent réduite au sujet-verbe-compléments
essentiels.
Isabelle nous avait rattrapées dans l’escalier. Je la déteste, je veux la détester. Je serais soulagée si je la détestais davantage. Demain je l’aurai encore à ma table au réfectoire. Elle préside. Elle préside la table où je mange au réfectoire. Je ne pourrai pas changer de table. [p. 14]
Cette écriture du quotidien et de la pensée ressassée est
néanmoins transformée lorsqu’il s’agit de dire les sensations érotiques ou les
gestes du désir. Par méconnaissance de cet univers et des mots qui le
composent, Thérèse s’exprime souvent par des images, des comparaisons et des
métaphores pour dire ce qu’elle ressent lors de son initiation, tout en
conservant la même précision et exhaustivité.
La caresse est au frisson ce que le crépuscule est à l’éclair. Isabelle entraînait un râteau de lumière de l’épaule jusqu’au poignet, elle passait avec le miroir à cinq doigts dans mon cou, sur ma nuque, dans mon dos. [p. 27]
Par ce contraste entre l’écriture du quotidien et celle de l’érotisme,
deux mondes sont créés, contigus et radicalement différents. Le lecteur, bien
qu’étranger au monde clos des deux amantes, s’y immisce et y partage en voyeur
leurs sensations, ainsi que leur langage.
Un roman érotique féminin à découvrir.
Thérèse et Isabelle de Violette Leduc
Gallimard (Paris), collection Folio, 2013
1re publication : 1966 (version
censurée) ; 2000 (version intégrale)
Rédaction : 1954 (en tant que première partie de Ravages)
Je ne connaissais pas du tout mais ça m'intéresse beaucoup !
RépondreSupprimerLa plupart des textes de cette auteure ont été réédités en Folio suite à un film qui lui est consacré, c'est l'occasion d'en profiter.
SupprimerJe reste un peu perplexe après lecture de ton billet. Tu me le recommanderais ou pas?
RépondreSupprimerPeut-être parce que je reste moi-même perplexe quant à mes impressions et à mon envie de poursuivre ou non avec cette auteure. Je te la recommanderais malgré tout, ne fut-ce que pour découvrir son écriture, assez particulière, mais très belle dans ses passages érotiques.
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